La bibliothèque du correcteur

Ouvrages et outils que je recommande

Le cor­rec­teur n’est pas armé de son seul sty­lo rouge. Il vit entou­ré de dic­tion­naires et fait aujourd’­hui appel à des logi­ciels d’aide à la correction. 

J’ai réuni ici une biblio­gra­phie assez large. Elle se com­plète pro­gres­si­ve­ment par les décou­vertes men­tion­nées dans mes billets de blog.

(Les liens ci-des­sous ren­voient, quand elle existe, à la page de l’é­di­teur. À défaut, à celle de librai­ries en ligne.)

Logiciels de correction et dictionnaires en ligne

Anti­dote

logo correcteur Antidote

Logi­ciel d’aide à la rédac­tion du fran­çais qui réunit en un tout cohé­rent un cor­rec­teur de nou­velle géné­ra­tion et une mul­ti­tude de grands dic­tion­naires (syno­nymes, anto­nymes, cooc­cur­rences, cita­tions…) et de guides lin­guis­tiques. Régu­liè­re­ment mis à jour, cet outil puis­sant m’est désor­mais indispensable.

Pro­Lexis (bien sûr !)

Logo Prolexis

Le meilleur outil infor­ma­tique pour pro­cé­der à un pre­mier net­toyage, tant lin­guis­tique que typo­gra­phique, d’un texte mis en pages. Il est aus­si fine­ment para­mé­trable, pour s’adapter aux habi­tudes d’un client particulier.

Le Grand Robert de la langue française

logo Grand Robert

Le plus grand dic­tion­naire de la langue fran­çaise en abon­ne­ment annuel. C’est plus pra­tique que six volumes impri­més et la fonc­tion de recherche est bien utile. Sur mon iPhone, j’ap­pré­cie aus­si d’a­voir tou­jours avec moi Le Petit Robert.

Tré­sor de la langue fran­çaise informatisé

Logo Dictionnaire TLFI

Ver­sion infor­ma­ti­sée et libre d’accès de ce dic­tion­naire des xixe et xxe siècles en 16 volumes et 1 sup­plé­ment. (La ver­sion mobile est très agréable à lire.) – N.B. : Il n’est plus mis à jour depuis 1994 et « son cor­pus […] a été clos, pour des rai­sons pra­tiques, en 19641 ».

Logo Larousse

Larousse a mis en ligne gra­tui­te­ment son dic­tion­naire de langue fran­çaise (défi­ni­tions, expres­sions, syno­nymes), son dic­tion­naire des dif­fi­cul­tés et pièges du fran­çais (le conte­nu du Péchoin et Dau­phin), son ency­clo­pé­die et ses dic­tion­naires bilingues. 

À consul­ter aus­si, même si elle reste inache­vée à ce jour, la 9e édi­tion du Dic­tion­naire de l’A­ca­dé­mie fran­çaise et les précédentes.

Le Wik­tion­naire est bien utile pour trou­ver les mots qui ne sont pas encore entrés dans Larousse et Robert. Pen­ser aus­si à Bob, l’autre tré­sor de la langue, dic­tion­naire de l’ar­got, du fran­çais popu­laire et du fran­çais familier.

Pour les syno­nymes, en plus des sources pré­cé­dentes, essayer Syno­nymes et le DES du CRISCO.

☞ Voir le com­plé­ment Res­sources en ligne sur la langue fran­çaise.

Usage quotidien : dictionnaires des difficultés du français et codes typographiques

JOUETTE (André), Dic­tion­naire d’orthographe et expres­sion écrite, 6e éd. [rema­niée, enri­chie et actua­li­sée], coll. Les Usuels, Le Robert, 1999.

Le fameux TOP de nos confrères aînés (d’après le titre de l’édition ori­gi­nale, TOP : Toute l’orthographe pra­tique, parue en 1980). Reste la bible des cor­rec­teurs. ☞ Lire mon article.

GIRODET (Jean), Pièges et dif­fi­cul­tés de la langue fran­çaise, coll. Dic­tion­naire poche, Bor­das [1re éd. 1981], 2008.

Per­met de démê­ler bien des cas dif­fi­ciles. Par son exi­gence, c’est la réfé­rence pour la langue soignée.

GREVISSE (Mau­rice) et GOOSSE (André), Le Bon Usage, De Boeck-Ducu­lot [1re éd. 1936], 16e éd., 2016. 

1760 pages grand for­mat ! Une somme, sans équi­valent. Tout y est, avec les exemples des meilleurs auteurs.

Lexique des règles typo­gra­phiques en usage à l’Imprimerie natio­nale, Impri­me­rie natio­nale [1re éd. 1971], 2002. 

En France, c’est le « code typo » le plus utilisé.

RAMAT (Aurel) et MULLER (Romain), Le Ramat euro­péen de la typo­gra­phie, Dijon, De Cham­plain, 1re éd., 2009.

Un bon com­plé­ment de la réfé­rence précédente.

☞ Pour d’autres réfé­rences, voir Qui crée les codes typographiques ?

Usage occasionnel : difficultés, synonymes, expressions et locutions

COLIN (Jean-Paul), Nou­veau dic­tion­naire des dif­fi­cul­tés du fran­çais [1re éd. Hachette-Tchou, 1970], Klinck­sieck, 2014.

PÉCHOIN (Daniel) et DAUPHIN (Ber­nard), Le Dic­tion­naire des dif­fi­cul­tés & pièges de la langue fran­çaise, Larousse [1re éd. 2004], 2014.

Pré­sen­ta­tion claire et aérée. Intègre les prin­ci­paux ensei­gne­ments du célèbre dic­tion­naire d’Adolphe V. THOMAS [1re éd. 1956, réédi­tée depuis sans mise à jour].

HANSE (Joseph) et BLAMPLAIN (Daniel), Dic­tion­naire des dif­fi­cul­tés du fran­çais [1re éd. 1949], De Boeck Supé­rieur, 6e éd., 2012.

PÉCHOIN (Daniel), Le Thé­sau­rus. Dic­tion­naire des ana­lo­gies, Larousse, 2014.

BERTAUD DU CHAZAUD (Hen­ri), Dic­tion­naire de syno­nymes, mots de sens voi­sin et contraires [1re éd. Le Robert, 1983], coll. Quar­to, Gal­li­mard, 2013.

☞ Voir aus­si Com­ment trou­ver le mot juste.

REY (Alain) et CHANTREAU (Sophie), Dic­tion­naire d’expressions et locu­tions, coll. Les Usuels, Le Robert [1re éd. 1979], 2020.

Dic­tion­naires de langues étran­gères et ouvrages spé­cia­li­sés, selon les besoins de la mis­sion de correction. 

Formation au métier de correcteur

GUÉRY (Louis) et LUTZ-SORG (Sté­phane), Le Secré­ta­riat de rédac­tion. Relec­ture, edi­ting, sui­vi de réa­li­sa­tion [1re éd. CFJ, 1965], éd. Vic­toires, 6e éd., 2009.

En France, il n’existe pas de manuel de cor­rec­tion récent. Au Qué­bec a paru en 2006 La Révi­sion lin­guis­tique en fran­çais, de Ginette Lachance (éd. Sep­ten­trion). La méthode décrite n’est pas sans inté­rêt, mais se résume à des géné­ra­li­tés qu’on peut acqué­rir auprès d’un pro­fes­sion­nel. L’an­crage qué­bé­cois rend cer­tains para­graphes inuti­li­sables de ce côté-ci de l’At­lan­tique. Les conseils sur la recherche infor­ma­tique sont hélas datés.

KOKELBERG (Jean), Les Tech­niques du style. Voca­bu­laire, figures de rhé­to­rique, syn­taxe, rythme [1re éd. Nathan, 1994], Armand Colin, 2016.

Je ne cesse de recom­man­der ce livre, qui m’a tant appris sur l’art d’é­crire. On peut y adjoindre Inven­ter sa phrase, de Hédi Kad­dour (voir Apprendre à écrire un article de presse).

DUPRIEZ (Ber­nard), Gra­dus. Les pro­cé­dés lit­té­raires [1re éd. 1984], 10/18, 2019. 

Plus aride que le pré­cé­dent, mais bour­ré d’exemples (« 3 000 cita­tions d’au­teur », d’a­près l’éditeur).

COLIGNON (Jean-Pierre), Un point, c’est tout ! La ponc­tua­tion effi­cace [1re éd. CFPJ, 1992], 6e éd., Edi­Sens, 2021.

L’es­sen­tiel en 150 pages.

DRILLON (Jacques), Trai­té de la ponc­tua­tion fran­çaise, coll. Tel, Gal­li­mard, 1991.

Une somme sans équi­valent. 450 pages passionnantes. 

Sans oublier Ortho­ty­po­gra­phie. Ortho­graphe & typo­gra­phie fran­çaises : dic­tion­naire rai­son­né, de Jean-Pierre LACROUX [1947-2002], en libre accès sur Inter­net (une ver­sion PDF est téléchargeable). 

GOUTTE (Guillaume), Cor­rec­teurs et cor­rec­trices, entre pres­tige et pré­ca­ri­té, Liber­ta­lia, 2021.

Une lec­ture indis­pen­sable pour connaître les condi­tions de tra­vail du cor­rec­teur :
« […] si le métier est tou­jours recon­nu, il est désor­mais en grande par­tie implan­té dans les marges pré­ca­ri­sées du monde du tra­vail, entre sala­riat payé à la tâche et exploi­ta­tion “microen­tre­pre­neu­riale”. Dis­sé­quer ces trans­for­ma­tions, c’est mettre en lumière cette pré­ca­ri­té de l’ombre, qui s’est ins­tal­lée dans le secret des grandes mai­sons d’édition et des entre­prises de presse, pour don­ner à voir ce qu’il y a der­rière le ver­nis de la culture et des savoirs : une chaîne de pro­duc­tion où s’épanouit une forme de libé­ra­lisme sauvage. »

Témoignages et biographies de correcteurs

ROUSSEAU (Mar­tine), HOUDART (Oli­vier), HERLIN (Richard), Retour sur l’accord du par­ti­cipe pas­sé et autres bizar­re­ries de la langue fran­çaise, Flam­ma­rion, 2016 ; coll. Le Goût des mots, Points, 2017.

En choi­sis­sant un titre et une pré­sen­ta­tion aus­tères, Flam­ma­rion a oublié de vendre l’hu­mour des auteurs du blog Langue sauce piquante. On rit beau­coup en les lisant !

Le métier de cor­rec­trice racon­té avec humour

GILBERT (Muriel), Au bon­heur des fautes. Confes­sions d’une domp­teuse de mots, La Librai­rie Vui­bert, 2017 ; coll. Le Goût des mots, Points, 2019.

Muriel Gil­bert est désor­mais célèbre pour sa chro­nique sur RTL Un bon­bon sur la langue.

LAGRUE (Pierre), MATTEUCCI (Sil­vio), La Cor­po­ra­tion des cor­rec­teurs et le Livre (un abé­cé­daire inat­ten­du), L’Harmattan, 2017.

Une réfé­rence sur le métier, son his­toire récente – par­ti­cu­liè­re­ment l’as­pect social – et son vocabulaire.

ANONYME, Sou­ve­nirs de la mai­son des mots, éd. 13 bis, 2011.

VANINA, 35 ans de cor­rec­tions sans mau­vais trai­te­ments, Acra­tie, 2011.

[en anglais] NORRIS (Mary), Bet­ween You & Me. Confes­sions of a Com­ma Queen, W. W. Nor­ton & Com­pa­ny, 2015.

BARRIÈRE (Didier), Un cor­rec­teur fou à l’Imprimerie royale : Nico­las Cirier (1792-1869), éd. des Cendres, 1987.

[en ita­lien] ROMANINI (Fabio), « Se fus­se­ro più ordi­nate, e meglio scritte… » Gio­van­ni Bat­tis­ta Ramu­sio cor­ret­tore ed edi­tore delle Navi­ga­tio­ni et viag­gi, Viel­la, 2007.

[en ita­lien] SISTI (Car­lo), Un cor­ret­tore a Roma. Sto­rie di vita e rota­tive, éd. Car­lo Sis­ti [for­mat Kindle], 2005.

Le correcteur, personnage littéraire

STEINER (George), Épreuves, trad. de l’anglais par Jac­que­line Car­naud et Jac­que­line Laha­na, coll. Arcades, Gal­li­mard, 1993.

Voi­là plus de trente ans que les yeux infaillibles de ce cor­rec­teur d’épreuves repèrent l’erreur la plus minime au long de docu­ments aus­si ardus que des annuaires télé­pho­niques ou la liste des cours de Bourse. Mais un jour, la vision aiguë qui fit la répu­ta­tion du Pro­fes­sore com­mence à décli­ner. Cette tra­gé­die per­son­nelle est en soi une tra­gé­die his­to­rique : ce n’est pas seule­ment la vision du cor­rec­teur qui se voile, c’est la vision du monde de ce com­mu­niste qui se brouille…

SARAMAGO (José), His­toire du siège de Lis­bonne, trad. du por­tu­gais par Gene­viève Lei­brich, éd. du Seuil, 1992 ; coll. Points, 1999.

Rai­mun­do Sil­va est un quin­qua­gé­naire à la vie bien réglée, cor­rec­teur exem­plaire dans une mai­son d’édition, jusqu’au jour où, sai­si par quelque démon, il apporte une modi­fi­ca­tion à un manus­crit. D’un mot, un non à la place d’un oui, il change le sens du livre en même temps que l’histoire du Portugal…

Un cor­rec­teur au tra­vail, à Madrid, le 11 mars 2004…

MENÉNDEZ SALMÓN (Ricar­do), Le Cor­rec­teur, trad. de l’espagnol par Del­phine Valen­tin, éd. Jac­que­line Cham­bon, 2011.

Alors que des bombes explosent dans quatre trains de ban­lieue à Madrid, Vla­di­mir, écri­vain raté deve­nu cor­rec­teur, tra­vaille sur une tra­duc­tion des Démons de Dos­toïevs­ki. Toute l’Espagne, y com­pris le gou­ver­ne­ment, voit dans l’attentat la main de l’ETA. Vic­tor, lui, com­prend immé­dia­te­ment que ce n’est pas pos­sible. Non qu’il en sache plus que les autres ou que cette orga­ni­sa­tion n’ait les moyens de per­pé­trer un tel mas­sacre, mais parce que ce n’est pas son style. Et le style, en lit­té­ra­ture comme dans la vie, c’est une signature…

NILSSON (Hen­rik B.), Le Faux Ami, trad. du sué­dois par Phi­lippe Bou­quet, Gras­set, 2010 ; Le Livre de poche, 2012.

Avril 1910. La comète de Hal­ley menace le monde d’une des­truc­tion immi­nente. Alors que Boris Barsch, auteur de livres à suc­cès, met la der­nière main à son roman, Her­mann Frey­tag, cor­rec­teur à la retraite, est contac­té par son ancienne mai­son d’édition. Car c’est lui, Frey­tag, qui a su don­ner, pen­dant toutes ces années, souffle et matière à la prose du célèbre écri­vain.
C’est alors qu’apparaît le mys­té­rieux Signo­ri. Fami­lier des cercles les plus secrets du Vati­can, il en sait long sur le manus­crit, sus­cep­tible de pro­duire l’effet d’une bombe, et confie à Frey­tag une mis­sion pour le moins déli­cate qui l’entraîne dans un imbro­glio lit­té­raire, poli­tique et reli­gieux d’une ampleur insoupçonnable…

BERNARD-MAUGIRON (Jean), Du plomb dans le cas­se­tin, Buchet-Chas­tel, 2010.

« J’ai tra­vaillé pen­dant vingt ans au plomb puis, quand ils ont sup­pri­mé les linos, j’ai dû rejoindre le cas­se­tin, c’est comme ça qu’on appelle le ser­vice de la cor­rec­tion, ou encore l’Académie, comme disent les met­teurs en pages pour nous cham­brer. « Eh l’Académie ! Faut-y une divi­sion à Palais-Royal ? – Oui, deux caps dive », qu’on répond, parce qu’il faut aus­si mettre les capi­tales, c’est dans la marche mai­son. Avant, toutes les édi­tions étaient relues par une qua­ran­taine de cor­rec­teurs, c’est peut-être pour ça qu’on disait l’Académie, comme sous la cou­pole à Paris. Main­te­nant, ce serait plu­tôt l’Académie des neuf, c’est net­te­ment moins prestigieux. »

LANE (Har­riet), Le Beau Monde, trad. de l’anglais par Amé­lie de Mau­peou, coll. Feux croi­sés, Plon, 2012 ; Pocket, 2015.

« […] mon rôle consiste à sau­ver, semaine après semaine, quelque célèbre pro­fes­seur ou autre pro­dige des griffes d’accords désac­cor­dés ou d’apostrophes catas­tro­phiques. Je suis secré­taire de rédac­tion, en d’autres termes une sorte de drone invi­sible de la pro­duc­tion, tou­jours dans les star­ting-blocks pour sau­ver des gens de leurs propres erreurs. Si je laisse pas­ser une seule proie, je me fais chauf­fer les oreilles par Mary Pym, la direc­trice lit­té­raire. » (p. 20 de l’édition Pocket)

CLARO, Les Souf­frances du jeune ver de terre, coll. Babel noir, Actes Sud, 2014 [1re éd. : CLARO (Chris­tophe), Éloge de la vache folle, Fleuve noir, 1996].

Fré­dé­ric Léger, cor­rec­teur pour une boîte d’édition spé­cia­li­sée dans les ouvrages défen­dant un libé­ra­lisme sau­vage, se trouve filé, puis pas­sé à tabac, par deux types pati­bu­laires qui veulent récu­pé­rer un jeu d’épreuves lui ayant été confié…

Georges Simenon, La Cage de verre, Presses de la Cité, 1971
Édi­tion ori­gi­nale, 1971

SIMENON (Georges), La Cage de verre, Presses de la Cité, 1971 ; Le Livre de poche, 2014.

Émile Virieu est cor­rec­teur d’imprimerie à Paris. Il est venu d’Étampes, après son bac­ca­lau­réat, a exer­cé quelques emplois médiocres et a fini par trou­ver dans la cage de verre, où il est enfer­mé avec ses jeux d’é­preuves à lon­gueur de jour­née, le lieu clos qui lui pro­cure la sécu­ri­té dans l’éloignement de ses semblables…

☞ Voir aus­si Georges Sime­non et ses cor­rec­teurs.

LLORCA (Élo­die), La Cor­rec­tion, Rivages, 2016.

« J’ouvris le tiroir de mon bureau et en sor­tis un petit cale­pin noir que j’avais ache­té dans le but d’y consi­gner mes remarques. Je tenais en réa­li­té une sorte d’agenda des coquilles. Cette petite manie m’avait pris sept mois aupa­ra­vant. J’écrivis : « Aujourd’hui, 24 sep­tembre : rou­lure / cou­lure. »
Sous mon mes­sage du jour figu­rait une kyrielle de coquilles : « poire / foire », « coupe / coule », « car­can / can­can », « catin / satin ».
Je tour­nai rapi­de­ment les pages. La pre­mière coquille rele­vée datait du 28 février. J’y avais ins­crit les mots « enfon­cé / offen­sé ». Quatre bévues pour un seul mot, c’était beau­coup. L’incongruité de l’erreur m’avait don­né alors l’envie de tenir ce jour­nal de bord. »

DUCHARME (Réjean), L’Hi­ver de force, coll. Blanche, Gal­li­mard, 1973 ; Folio, 1985.

Les deux héros de ce roman, André et Nicole, cor­rec­teurs d’é­preuves ico­no­clastes qui se saoulent de films à la télé­vi­sion, refusent le nou­vel ordre du monde axé sur l’ob­jet et la pos­ses­sion qui régnait durant les années 1970. Avec leurs amis de la bohème artis­tique qué­bé­coise, ils cherchent à fuir la socié­té de masse, lan­çant une logor­rhée pétrie d’an­gli­cismes et de réfé­rences cultu­relles qui tourne en rond, à l’i­mage d’un monde désenchanté. 

[en ita­lien] RECAMI (Fran­ces­co), Il Cor­ret­tore di bozze, Sel­le­rio, 2007.

Il cor­ret­tore di bozze è un uomo di mez­za età, soli­ta­rio, un inno­cuo for­za­to del­la let­tu­ra, impri­gio­na­to nelle forme dei tes­ti, obbli­ga­to a tro­vare gli erro­ri come un segu­gio, a leg­gere quel­lo che detes­ta. La pagi­na, la real­tà, gli è ostile, con le muta­zio­ni capric­ciose del­la lin­gua, i cam­bia­men­ti del gus­to dei let­to­ri, le impo­si­zio­ni dell’industria cultu­rale. Le vani­tà degli auto­ri che si pros­ti­tuis­co­no, e gli appe­ti­ti per­ver­si dei loro clien­ti che li man­ten­go­no. Un gior­no si imbatte in un nuo­vo rac­con­to da correggere…

BAILLON (André), Par fil spé­cial. Car­net d’un secré­taire de rédac­tion, éd. Rie­der, 1924 ; coll. Tuta Blu, éd. Héros-Limite, 2020.

Par fil spé­cial, comme l’indique son sous-titre, est le « car­net d’un secré­taire de rédac­tion ». Série d’anecdotes mor­dantes et de por­traits acerbes, le livre relate avec cynisme le quo­ti­dien d’un jour­nal, La Der­nière Heure (nom­mé L’Uprême dans le livre), où André Baillon a tra­vaillé pen­dant plus de dix ans (de 1906 à 1920).
Les tra­vers du monde jour­na­lis­tique, les pra­tiques dou­teuses des rédac­teurs et les incon­sé­quences du métier sont nar­rés avec force viva­ci­té et iro­nie. Baillon met aus­si en évi­dence l’assujettissement absurde des jour­na­listes à la constante injonc­tion de la nou­velle « fraîche », à l’urgence des hor­loges qui tournent, à la néces­si­té du texte facile à lire, à l’obligation du fait divers, à la super­fi­cia­li­té d’une écri­ture vouée à être éphémère.

PAGÈS (Yves), « Le Syn­drome del­phi­nien », Petites natures mortes au tra­vail, Ver­ti­cales, 2000, p. 69-82.

« Léo­pold s’était mis dans la peau du contre­maître sur­veillant une chaîne de mon­tage indus­trielle. En chaque mot, il voyait une pièce déta­chée qui devait répondre aux normes. En chaque phrase, il assu­rait la comp­ta­bi­li­té du kit des modules gram­ma­ti­caux. Sa cadence de relec­ture ne lui lais­sait pas le choix, il contrô­lait le défi­le­ment de cette prose spé­cia­li­sée à flux ten­dus. D’où sa rage de petit chef contre la mau­vaise ouvrage d’auteurs soit désin­voltes soit dys­lexiques soit les deux ; et son mépris pour la clien­tèle estu­dian­tine de ces mono­gra­phies ani­ma­lières qui igno­rait tout de son labeur invi­sible. » (p. 70)

ASIMOV (Isaac), « Le Cor­rec­teur », in Le Cycle des robots 2. Un défi­lé de robots [1964], trad. de l’anglais (États-Unis) par Pierre Billon [CLA, 1967], J’ai lu [1974], 2016, p. 191-247.

« — Eh bien, Easy ? [deman­da Lan­ning]
— Ce livre est très bien com­po­sé et je n’y relève que peu de choses, répon­dit le robot. À la page 27, 22e ligne, le mot « posi­tif » est écrit « pois­tif ». La vir­gule, ligne 6 de la page 32, est super­flue, alors qu’elle eût été néces­saire à la ligne 13 de la page 54. Le signe plus dans l’équation XIV-2, page 337, devrait être rem­pla­cé par le signe moins pour cor­res­pondre aux équa­tions pré­cé­dentes…
— Atten­dez ! Atten­dez ! s’écria le pro­fes­seur [Good­fel­low]. Que fait-il ?
— […] Qu’a-t-il fait serait plus exact, puisqu’il a déjà cor­ri­gé le livre. 
— Cor­ri­gé !
— Par­fai­te­ment. Dans le temps réduit qu’il lui a fal­lu pour tour­ner ces pages, il a rele­vé toutes les erreurs d’orthographe, de gram­maire et de ponc­tua­tion. Il a noté les erreurs dans l’ordre des mots et les illo­gismes. Et toutes ces obser­va­tions, il les retien­dra à la lettre et indé­fi­ni­ment. 
Le pro­fes­seur était bouche bée. […] 
— À vous en croire, ce serait donc là un robot cor­rec­teur ? dit-il enfin.
Lan­ning incli­na la tête : 
— Entre autres. […] » (p. 195-196)

☞ Voir aus­si Romans récents avec un per­son­nage de cor­rec­teur.

☞ Pour l’his­toire du métier de cor­rec­teur, voir la Biblio­gra­phie com­men­tée de mon blog.


Vous aurez peut-être remar­qué que cette page uti­lise les capi­tales accen­tuées, les expo­sants et les petites capi­tales, ce qui est rare sur le Web. Si la ques­tion vous inté­resse, je vous invite à lire Code typo­gra­phique, HTML et CSS.


  1. Hans Boll Johan­sen, « Tré­sor de la langue fran­çaise. Dic­tion­naire de la langue du XIXe et du XXe siècle (1789-1960), publié sous la direc­tion de Paul Imbs. Édi­tions du Centre Natio­nal de la Recherche Scien­ti­fique », Revue Romane, 13/2, 1978, p. 337.

Une réflexion sur « La bibliothèque du correcteur »

  1. Bon­jour,

    Ensei­gnante, je sou­haite com­men­cer une for­ma­tion de cor­rec­trice, votre par­cours et votre biblio­gra­phie ain­si que vos conseils sont les bien­ve­nus et enrichissants.

    Cor­dia­le­ment.

    S. F.

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